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Commentaires de l’UNF – Réforme réglementaire dans le secteur agricole

La Nationale des Fermiers (UNF) se réjouit de pouvoir contribuer à l’étude de la Commission de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des Communes sur les thèmes suivants L’initiative de réforme réglementaire du gouvernement dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Nous sommes la plus grande organisation agricole volontaire à adhésion directe du Canada, représentant les fermières et fermiers familiaux et les travailleurs agricoles de tout le pays dans tous les secteurs de l’agriculture. Nous nous efforçons de promouvoir un système alimentaire fondé sur des exploitations familiales financièrement viables qui produisent des aliments sains et sûrs de grande qualité, d’encourager des pratiques respectueuses de l’environnement qui protègent nos précieux sols, l’eau, la biodiversité et d’autres ressources naturelles, et de promouvoir la justice sociale et économique pour les producteurs de denrées alimentaires et tous les citoyens.

Points clés :

  • La réglementation est un élément essentiel de la démocratie et de la souveraineté du Canada
  • Le Canada doit conserver sa capacité et son indépendance réglementaires pour des raisons de sécurité nationale
  • L’évolution de la réglementation doit associer les fermières à la prise de décision
  • Le fait de s’appuyer sur les parties prenantes qui représentent les parties réglementées pour obtenir des conseils entraîne un conflit d’intérêts.
  • Une approche de précaution à l’égard des nouvelles technologies est dans l’intérêt du public

Recommandations :

  • La modernisation de la réglementation sur les semences de l’ACIA a été un processus utile, inclusif et complet, et le groupe de travail sur les MRS devrait participer à l’élaboration des propositions de modification de la réglementation de l’ACIA.
  • Le processus de modification de la réglementation relative à la protection des obtentions végétales actuellement en cours devrait être interrompu en raison de l’insuffisance de l’analyse d’impact de la réglementation et des conflits d’intérêts.
  • Le Canada doit s’assurer que ses régulateurs ont la capacité de maintenir un contrôle total sur les exigences réglementaires relatives aux semences, aux aliments pour animaux, aux engrais et aux produits de santé animale et éviter de s’en remettre à des « juridictions de confiance » qui sont ou pourraient être compromises.
  • Les régulateurs fédéraux et provinciaux devraient donner la priorité à l’acceptation mutuelle de l’inspection des abattoirs provinciaux au-delà des frontières provinciales afin de supprimer les barrières commerciales interprovinciales et de permettre à la viande locale saine et sûre d’être vendue directement aux consommateurs et sur les marchés locaux.
  • La numérisation des processus administratifs améliorera l’efficacité, mais pour garantir l’accessibilité et la fiabilité, tous les utilisateurs doivent disposer de systèmes de secours, d’alternatives et d’une assistance technique adéquate et opportune.
  • Les politiques d’incorporation par référence doivent être mises à jour afin de garantir que cet outil n’est pas utilisé pour contourner la participation démocratique du public aux questions réglementaires et/ou pour éviter la transparence. Les documents IBR doivent être publiés dans une section spécifique de la Gazette du Canada afin d’en garantir l’accessibilité.

Gouvernance démocratique et souveraineté canadienne

Les règlements sont un élément essentiel de la gouvernance démocratique. Les lois adoptées par le Parlement comprennent généralement un pouvoir réglementaire, qui confère à un ministre ou à l’ensemble du cabinet (gouverneur en conseil) la responsabilité de promulguer ou de modifier des règlements. La politique réglementaire du Canada fixe des exigences en matière de participation du public et de transparence. Les résidents canadiens ont le droit de participer aux décisions réglementaires, et les dirigeants élus sont responsables en dernier ressort.

Le fait de qualifier les réglementations de « paperasserie » et de « fardeau » sape leur fonction démocratique.

Les réglementations fixent souvent des limites aux actions privées. Il s’agit d’une fonction légitime et nécessaire qui doit être utilisée dans l’intérêt public. Le débat sur la réforme de la réglementation doit toujours garder au premier plan la fonction de gouvernance démocratique de la réglementation et être sur ses gardes pour éviter que la réforme de la réglementation ne serve des intérêts privés au détriment de la population canadienne, des moins puissants ou de ceux qui n’ont pas voix au chapitre, comme les générations futures.

Les règlements sont également un instrument de la souveraineté canadienne. Plusieurs propositions de l’ACIA visent à accélérer les approbations réglementaires sur la base de données, de normes et/ou de processus de juridictions étrangères. Il s’agit là d’une pente très glissante. Si le Canada s’appuie de plus en plus sur d’autres pays, notre propre capacité réglementaire diminuera et nous ne serons plus en mesure d’évaluer de manière indépendante si les réglementations étrangères sont appropriées pour le Canada. Le langage de l’ACIA faisant référence à des « juridictions de confiance » est de plus en plus problématique : les États-Unis réduisent le financement et le démantèlement de leur capacité de recherche et des institutions réglementaires responsables de la sécurité alimentaire, de la santé humaine, animale et environnementale.

Le maintien de réglementations indépendantes et solides est un avantage pour le commerce agricole, car le Canada diversifie ses marchés afin de réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis. Des normes élevées en matière d’approbation, ainsi que des processus et des capacités d’inspection et d’application solides rendront les produits canadiens dignes de confiance, ce qui soutiendra la demande et même les prix élevés.

L’évolution de la réglementation doit associer les fermières à la prise de décision

AAC et l’ACIA font souvent référence aux « parties prenantes » lorsqu’ils abordent des questions réglementaires. Dans la récente proposition de modification du règlement sur la protection des obtentions végétales visant à supprimer le privilège des agriculteurs pour les variétés de cultures horticoles et hybrides protégées par le droit d’obtenteur, l’étude d’impact de la réglementation n’a pas pris en compte les incidences sur les fermiers qui utilisent ces variétés. L’analyse des petites et moyennes entreprises (PME) n’a pris en compte que 56 entreprises, alors qu’il existe 190 000 exploitations agricoles, dont 25 000 produisent des cultures horticoles. Il semble que les fermières n’aient pas été considérées comme des « parties prenantes » à des fins réglementaires.

Dans de nombreuses initiatives réglementaires, il semble que les principales parties prenantes soient des « parties réglementées » qui cherchent à réduire leurs coûts de mise en conformité. La rationalisation administrative (telle que la possibilité d’utiliser des formulaires électroniques) permet de réduire les coûts à la fois pour le régulateur et pour la partie réglementée, mais lorsque les propositions réglementaires déplacent les coûts des parties réglementées vers les fermières, le régulateur doit disposer d’un processus solide et accessible pour permettre une participation significative des fermières à l’élaboration et à l’évaluation des propositions réglementaires.

Le processus de modernisation de la réglementation des semences (MRS) de l’ACIA a inclus des représentants d’organisations agricoles générales dans le groupe de travail sur la MRS et a permis à d’autres fermiers (producteurs) de participer à ses sous-comités (équipes de travail). Le processus de MRS a créé un espace et un temps précieux pour examiner les changements réglementaires sous tous les angles. Le personnel de l’ACIA a fourni une expertise technique et des services de secrétariat au groupe de travail et aux équipes spéciales. Les travaux de la MRS sont presque terminés. Si l’ACIA maintient un engagement inclusif avec les fermières, elle devrait obtenir des résultats équitables et conformes à l’intérêt public. Ce type de processus large et inclusif est un bon modèle pour les futures initiatives réglementaires.

Numérisation

Les initiatives de l’ACIA et d’AAC visant à autoriser les documents électroniques et à créer des portails en ligne devraient permettre d’améliorer l’efficacité et de gagner du temps. Étant donné que l’internet en zone rurale est souvent moins fiable, voire indisponible, il convient de conserver des méthodes de travail non électroniques en guise de solution de secours ou d’alternative. Les processus administratifs numérisés doivent être aussi accessibles que possible et bénéficier d’une assistance technique par téléphone et par courrier électronique.

Principe de précaution

La précaution est de mise lorsqu’il s’agit de réglementer des technologies et des substances nouvelles et émergentes. Le principe de précaution permet de réduire les risques de dommages et d’éviter les coûts qui résulteraient de ces dommages. Les avantages potentiels des nouvelles technologies et substances sont faciles à percevoir à court terme, tandis que les conséquences inattendues apparaissent plus lentement. Si la technologie ou la substance est approuvée et déployée trop rapidement, les promoteurs profiteront des avantages tandis que les spectateurs ou les cibles involontaires subiront les inconvénients. Les promoteurs s’opposeront au retrait du produit du marché, car ils ne supporteront généralement pas les coûts des dommages créés ou exacerbés par ces produits. Il est du devoir du régulateur de s’assurer que la nouvelle technologie ou substance est suffisamment bien comprise pour que des mesures de protection de l’intérêt public soient mises en place avant l’approbation.

Les technologies émergentes dans l’agriculture comprennent les outils basés sur l’intelligence artificielle (IA). Le potentiel de l’IA suscite beaucoup d’enthousiasme, ce qui entraîne à la fois des investissements et une certaine anxiété quant à la possibilité d’être « laissé pour compte ». Pourtant, chaque jour, on signale que l’IA générative fournit de fausses informations, encourage des comportements nuisibles et produit des résultats « hallucinants ». L’IA est souvent proposée comme un moyen d’accroître la productivité en réduisant les coûts de main-d’œuvre, mais le coût de l’action sur la base de réponses erronées ou le temps nécessaire pour évaluer les résultats de l’IA sont ignorés et/ou difficiles à quantifier. Les impacts environnementaux et économiques des centres de données d’IA justifient également des précautions. Les besoins extrêmes en énergie et en eau des centres de données d’IA et les coûts d’opportunité liés à l’affectation de ressources à l’IA plutôt qu’à d’autres types d’investissements et d’activités doivent être pleinement évalués et pris en compte par les décideurs politiques avant qu’ils ne proposent des réglementations liées à l’IA.

Réponses au rapport d’étape de l’ACIA sur la réduction des formalités administratives :

Soutenir le commerce interprovincial pour les petits producteurs de viande et les abattoirs

Les petits éleveurs qui vendent directement à des clients locaux sont trop souvent limités par le manque d’accès à des abattoirs inspectés par la province et à des installations de découpe et d’emballage. La production locale pour la consommation locale est un élément important de la sécurité et de la souveraineté alimentaires, ainsi qu’un moteur économique pour les communautés rurales, en particulier dans les zones à faible densité de population. Dans de nombreuses situations, y compris dans de nombreuses sous-régions provinciales dépourvues d’abattoirs fédéraux ou provinciaux, la viabilité des producteurs et des transformateurs nécessite une zone géographique plus vaste qui chevauche les frontières provinciales. Pour permettre à ces éléments cruciaux du système alimentaire local et régional de prospérer, il est nécessaire de reconnaître mutuellement les réglementations provinciales en matière d’inspection des viandes. Exiger une inspection fédérale pour les petits abattoirs et transformateurs de viande qui desservent les marchés locaux près des frontières provinciales est un obstacle coûteux et inutile.

Le rapport de l’ACIA fait état de ses aménagements pour les entreprises qui font du commerce transfrontalier à Lloydminster. Elle a modifié le règlement sur la salubrité des aliments pour les Canadiens afin d’exempter les entreprises alimentaires de l’Alberta et de la Saskatchewan des exigences fédérales en matière de commerce interprovincial lorsqu’elles préparent et échangent des aliments à destination ou à l’intérieur de Lloydminster. Une modification réglementaire similaire pourrait soutenir les éleveurs et les transformateurs de viande inspectés par la province dans un corridor de 200 km le long des frontières provinciales. L’ACIA ou AAC pourrait élaborer un accord de reconnaissance mutuelle pour l’inspection des viandes et la réglementation de la transformation des viandes entre les provinces voisines. Cette approche soutiendrait la viabilité des petites entreprises existantes qui desservent les communautés et encouragerait le transfert intergénérationnel de la propriété et des connaissances nécessaires à la gestion de ces petites entreprises.

Incorporation par référence et enregistrement des variétés

L’incorporation par référence (IBR) est un outil réglementaire qui, une fois autorisé par une loi, permet à des documents spécifiques d’avoir la même force de loi que les règlements sans qu’il soit nécessaire de modifier le règlement à chaque fois que le document est mis à jour. Cela transfère le pouvoir de créer et de modifier les règlements des représentants élus à des bureaucrates non élus qui ne sont pas directement responsables devant les électeurs et qui sont souvent indûment influencés par les parties réglementées. L’IBR crée un risque plus élevé de partialité et de conflit d’intérêts que le processus de modification des règlements de la Gazette du Canada.

La politique de modification du RIB de l’ACIA pour les documents générés en interne prévoit la notification de certaines parties prenantes, mais n’inclut pas de procédure d’avis ou de consultation publique. Le ministre ou le gouverneur en conseil n’est pas tenu d’approuver les modifications. Une modification du RIB entre en vigueur lorsqu’elle est publiée sur le site web de l’ACIA.

Avant même que le processus de modernisation de la réglementation des semences (MRS) ne soit achevé, l’ACIA prétend à tort que l’incorporation par référence de la liste des cultures soumises à l’enregistrement des variétés (Annexe III) bénéficie d’un large soutien. En réalité, les fermières s’opposent fermement à cette idée.

L’enregistrement des variétés est la pierre angulaire du système semencier canadien. L’IBR peut élaborer et approuver des modifications réglementaires rapidement et à huis clos, avec la participation de certaines parties prenantes seulement. L’IBR est promu pour accélérer les changements réglementaires en tant qu’alternative à la procédure de la Gazette du Canada qui exige une divulgation publique complète du texte réglementaire proposé, une analyse de l’impact réglementaire et une période de commentaires publics obligatoires. La procédure du Journal officiel du Canada reconnaît que la réglementation est un élément essentiel de la gouvernance démocratique et rend les représentants élus responsables des règles.

L’IBR de l’annexe III du règlement sur les semences permettrait aux entreprises de semences d’éliminer trop facilement les exigences en matière de mérite en faisant passer les types de cultures de la partie 1 à la partie 3 de l’annexe III, ou en supprimant purement et simplement les types de cultures de l’enregistrement des variétés.

La partie I de l’annexe III énumère les espèces cultivées, telles que le blé, les lentilles, le canola et le lin, qui doivent faire l’objet d’une démonstration de mérite avant que les variétés puissent être enregistrées. Le mérite signifie que les nouvelles variétés doivent être aussi bonnes, voire meilleures, que les variétés existantes ; elles doivent être performantes dans les conditions de culture canadiennes et ne pas présenter de qualités négatives telles que la susceptibilité aux maladies. Pour prouver leur mérite, les variétés énumérées dans la partie I sont testées de manière indépendante, évaluées par des experts et les données sont publiées. Le test de mérite fournit des données transparentes et impartiales sur les paramètres de performance agronomique et de maladie que les fermières utilisent pour prendre des décisions, et il permet aux comités de recommandation de décider en connaissance de cause si une nouvelle variété doit être homologuée.

Les espèces de cultures énumérées dans la partie III de l’annexe III n’ont pas à faire la preuve de leur mérite. Les données d’essai n’étant pas disponibles, les fermières ne peuvent pas disposer d’informations complètes et comparables nécessaires pour prendre les meilleures décisions pour leurs exploitations.

La barre doit être relativement haute pour l’ajout ou la suppression de types de cultures, ainsi que pour le déplacement de types de cultures d’une partie à l’autre. Il devrait être difficile de faire passer des types de cultures de la partie I à la partie III. Le fait de déplacer les types de cultures de la partie I à la partie III affaiblit nos normes de qualité des semences et permettrait de vendre des variétés qui ne donnent pas de bons résultats, qui introduisent des problèmes de maladie ou qui produisent des récoltes moins appréciées par nos clients. Le retrait total des types de cultures de l’annexe III aurait des conséquences très graves qui affecteraient la qualité et la valeur de l’approvisionnement en semences du Canada, nos cultures et les revenus des fermières. Les conséquences de l’ajout, du déplacement ou du retrait de types de cultures de l’annexe III sont à long terme et d’une grande portée. Il n’est pas nécessaire de modifier précipitamment l’annexe III.

L’annexe III doit rester dans la réglementation. Il convient que toute modification de l’annexe III soit soumise à la procédure transparente et publique de la Gazette, qui prévoit une analyse réglementaire et un processus de consultation publique complet, les décisions finales étant prises par des ministres élus et responsables ou par le cabinet.

Reconnaissance des systèmes étrangers

L’ACIA souhaite que des modifications législatives soient apportées afin que les décisions réglementaires étrangères concernant les aliments pour animaux, les engrais, les semences et les produits biologiques vétérinaires soient applicables au Canada. Il s’agit d’une proposition dangereuse visant à externaliser la souveraineté canadienne sur des éléments essentiels de notre système alimentaire. Cette proposition est particulièrement inacceptable en ce qui concerne les semences. Nous sommes sur le point d’achever un processus long, complet et inclusif de révision de la réglementation canadienne sur les semences. Tout ce travail effectué en toute bonne foi pourrait être réduit à néant si les entreprises semencières peuvent obtenir des autorisations en utilisant les réglementations d’un autre pays.

Comme indiqué plus haut, la fiabilité des juridictions étrangères n’est ni prévisible ni garantie. En outre, il n’y a aucune garantie de reconnaissance réciproque des approbations canadiennes, ce qui désavantage les produits canadiens et permet un accès non symétrique à l’espace agricole du Canada. Les produits véritablement canadiens qui sont bien adaptés à nos conditions de croissance et/ou qui ont été développés pour répondre aux défis des fermiers canadiens pourraient être évincés de notre marché en raison de la concurrence déloyale exercée par des pays étrangers qui cherchent à accroître leur part de marché.

Droits d’obtenteur

L’ACIA prévoit que sa proposition de modification de la réglementation relative à la protection des obtentions végétales visant à supprimer le privilège des fermières pour les variétés de fruits, de légumes, de plantes ornementales et d’hybrides sera promulguée. Toutefois, cette initiative a suscité une forte opposition de la part des fermières. Les graves lacunes de l’analyse réglementaire de l’ACIA justifient le retrait pur et simple de cette proposition.

La suppression du privilège des agriculteurs pour les variétés protégées de fruits, de légumes, de plantes ornementales et d’hybrides constitue une atteinte inacceptable à la pratique ancestrale des fermières consistant à conserver et à utiliser les semences de ferme pour planter leurs cultures au cours des saisons suivantes.

La possibilité d’utiliser des semences de ferme, des boutures, des greffons, des greffes, etc., pour continuer à cultiver des variétés de fruits, de légumes, de plantes ornementales et hybrides protégées par le droit d’obtenteur sur leur propre exploitation, après avoir payé la redevance requise sur l’achat initial, permet aux fermières d’adapter les variétés à leurs conditions de culture et à leurs climats spécifiques. Le privilège des fermiers permet également aux agriculteurs de réduire leurs coûts de production en utilisant des semences et d’autres matériels de multiplication conservés à la ferme.

Les fermières ne conservent généralement pas les semences des cultures hybrides, car elles savent que les générations suivantes ne produisent pas des résultats constants. La suppression proposée du privilège des fermiers sur les hybrides encouragerait les sélectionneurs à développer des variétés hybrides et à désenregistrer les variétés non hybrides en vertu de la loi sur les semences, les retirant ainsi de la sphère commerciale. En bref, elle offre aux semenciers un moyen d’interférer avec les pratiques de conservation des semences largement répandues chez les fermières de céréales, d’oléagineux et de légumineuses.

La conservation des semences est vitale non seulement pour que les fermières aient un accès sûr à leur intrant le plus important, mais aussi parce que cette pratique permet une résilience climatique au sein de l’exploitation grâce à l’adaptation des variétés à des environnements et à des pratiques agricoles spécifiques ; le remplacement des stocks de baies et d’arbres fruitiers pérennes ligneux perdus (en raison de la faune et/ou du froid excessif, de la sécheresse, des inondations) par la même variété lorsqu’elle n’est pas disponible dans le commerce ; accès au matériel de multiplication en cas de graves perturbations de la chaîne d’approvisionnement, un risque important pour les semences de légumes qui sont principalement importées ; réduction des coûts de semis/propagation (bien que le coût ne soit pas nul, car la conservation des semences nécessite du temps, des compétences et des installations de stockage) ; discipline de prix pour les vendeurs de semences – les hausses de prix seront limitées lorsque les fermières pourront passer à des semences conservées à la ferme si le prix d’achat augmente trop ; possibilité de continuer à utiliser une variété si le sélectionneur décide de la retirer du marché avant la fin de la période de protection des droits d’obtenteur.

L’ACIA prétend que la suppression du privilège des fermières sur les variétés horticoles et hybrides encouragera l’investissement et l’innovation, mais ce n’est qu’une hypothèse. Le monopole du droit d’obtenteur sur la vente des variétés protégées permet aux sélectionneurs d’accroître leurs revenus en augmentant les ventes annuelles et la perception des redevances, mais rien ne les oblige à utiliser cet argent pour la sélection végétale au Canada ou ailleurs.

Le renforcement de la protection des droits d’obtenteur en interdisant la conservation des semences et en augmentant la période de protection peut en fait entraîner une diminution des investissements dans les nouvelles variétés, car les entreprises n’auront pas besoin de mettre de nouveaux produits sur le marché aussi rapidement pour maintenir ou augmenter leur flux de revenus.

Nous avons également constaté que le renforcement des régimes de droits d’obtenteur va de pair avec une consolidation croissante du secteur des semences et une diminution de la concurrence. Le système mondial des semences est désormais dominé par quatre multinationales – Bayer, BASF, Corteva et Sinochem – à la suite de fusions et d’acquisitions. Elles pourraient utiliser l’argent gagné grâce à la modification réglementaire proposée pour consolider davantage leurs avoirs au Canada et à l’étranger, ce qui réduirait encore la concurrence dans le secteur des semences, au lieu de l’investir dans la sélection végétale.

L’élimination du privilège des fermières pour les variétés de fruits, de légumes, de plantes ornementales et d’hybrides transférerait trop de contrôle sur le secteur agricole canadien à un secteur mondial des semences de plus en plus privatisé et concentré.

Conclusion :

Les réglementations sont une composante essentielle de notre système de gouvernance démocratique. Il est nécessaire et important de mettre à jour les règlements pour les adapter aux besoins changeants des fermiers canadiens et de notre système alimentaire, et cela doit être fait de manière réfléchie et dans l’intérêt public. Préparer l’avenir de notre cadre réglementaire signifie construire une base solide pour la souveraineté alimentaire, la justice sociale et économique, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la justice intergénérationnelle et le maintien de la souveraineté nationale du Canada, qui nous permettra de tracer notre propre voie en ces temps d’incertitude et de turbulences.

Respectueusement soumis par la Nationale des Fermiers, novembre 2025