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Op-Ed – Le maintien des produits laitiers, des œufs et de la volaille au Canada est une bonne chose

par Phil Mount

Le Sénat doit faire ce qu’il faut et adopter le projet de loi C-282 afin d’empêcher les futurs négociateurs commerciaux de négocier davantage de marchés laitiers, de volailles ou d’œufs soumis à la gestion de l’offre, qui sont actuellement desservis par les fermières canadiennes et qui profitent à l’économie et au système alimentaire du Canada. La Chambre des communes a adopté ce projet de loi avec plus de 80 % de députés favorables. Pour devenir une loi, il doit également être adopté par le Sénat.

Le système canadien de gestion de l’offre a été mis au point par des fermières travaillant avec des gouvernements pour résoudre des problèmes concrets : surproduction, gaspillage, volatilité, inefficacité, pénuries, qualité et exploitation. La solution canadienne est élégante, simple et a résisté à l’épreuve du temps. Elle permet de fournir aux consommateurs des produits laitiers, du poulet, de la dinde et des œufs de grande qualité tout au long de l’année, à des prix équitables et prévisibles tant pour les fermières que pour les transformateurs. Et même si la gestion de l’offre ne fixe pas les prix de détail – c’est l’affaire des épiciers – les statistiques montrent que les prix globaux des produits d’épicerie au Canada ont augmenté plus rapidement que les prix de détail du lait au cours des dix dernières années. La gestion de l’offre garantit également aux fermières la stabilité nécessaire pour investir dans des améliorations à long terme telles que l’efficacité énergétique et le bien-être des animaux, pour embaucher des travailleurs et payer les services et les produits localement, et pour transmettre leur exploitation à la prochaine génération, directement ou par l’intermédiaire de programmes d’aide au démarrage pour les jeunes agriculteurs.

La gestion de l’offre repose sur trois piliers : la discipline en matière de production (pour éviter à la fois la surproduction et les pénuries), la fixation du prix à la ferme en fonction du coût de production (sur la base de données réelles pour garantir que les revenus des fermières sont assurés par le marché, et non par des subventions publiques) et le contrôle des importations (pour garantir l’équilibre entre l’offre et la demande). Ces trois mesures sont nécessaires. L’adoption du projet de loi C-282 permettrait de maintenir le pilier du contrôle des importations.

Les opposants au projet de loi C-282 estiment que les négociateurs commerciaux du Canada doivent avoir accès à toutes les concessions possibles – même si cela signifie mettre les fermières canadiennes sur la paille, priver les communautés rurales de leur moteur économique, mettre en péril la qualité et la sécurité de notre système alimentaire et affaiblir notre secteur de la transformation des aliments. Curieusement, les opposants les plus virulents au projet de loi C-282 opèrent déjà dans un environnement commercial mondial largement exempt de droits de douane, et certains n’utilisent même pas l’accès au marché qu’ils ont obtenu.

Jusqu’à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, le Canada imposait des limites strictes aux importations de produits laitiers, de volailles et d’œufs. Dans le cadre de l’OMC, les contingents tarifaires (CT) permettent d’importer une certaine quantité de produits en franchise de droits, mais au-delà de ce seuil, des droits de douane élevés s’appliquent, ce qui rend toute nouvelle importation non rentable. Les négociateurs du CPTPP, AECG et ACEUM ont ajouté des contingents tarifaires pour le poulet laitier, la dinde et les œufs, que nos partenaires commerciaux ont pleinement utilisés. En conséquence, 18 % des produits laitiers canadiens et près de 11 % du poulet canadien sont désormais importés. La plupart de ces importations proviennent des États-Unis.

Certains pensent que la concurrence internationale réduirait les prix pour les consommateurs. Cependant, les prix de détail sont fixés par les épiciers et, dans les pays où la gestion de l’offre n’existe pas, les prix sont similaires à ceux du Canada. Lorsque les consommateurs achètent des produits laitiers, de la volaille et/ou des œufs importés, l’argent qu’ils dépensent pour leur épicerie quitte le Canada, ce qui signifie que nous perdons les retombées positives qui se produisent lorsque les consommateurs achètent des produits fabriqués au Canada. Lorsque notre population augmente et que la demande s’accroît, au lieu de permettre à davantage de Canadiens de gagner leur vie en répondant à ces besoins, cette activité économique quitte notre pays pour profiter à d’autres.

Après que l’Union Fermière, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déréglementé leur secteur laitier, les fermières ont rapidement augmenté leur production dans l’espoir de vendre davantage. Résultat : l’offre a largement dépassé la demande et les prix à la production se sont effondrés. Plus le prix est bas, plus il faut de volume pour maintenir les revenus – mais la surproduction continue à faire baisser les prix dans un cercle vicieux, entraînant la faillite de nombreux fermiers. En Europe, les gouvernements sont intervenus avec des paiements d’urgence massifs pour éviter la pire des misères.

La production commerciale américaine de volaille fonctionne à grande échelle, les fermières sous contrat étant à la merci de gigantesques entreprises de transformation qui dictent les conditions de production, contrôlent l’accès au marché et se déchargent de tous les risques et de toutes les dettes. Les petits fermiers américains, qu’ils soient producteurs de lait ou de poulet, ont vu leurs contrats résiliés sans préavis, ce qui les a laissés avec des dettes énormes et sans aucun moyen de gagner leur vie ; certains se sont désespérés au point de se suicider.

La gestion de l’offre est un triomphe typiquement canadien qui a fait ses preuves depuis plus de 50 ans. Utiliser notre marché soumis à la gestion de l’offre comme monnaie d’échange est une proposition perdante. Si la gestion de l’offre échoue, la production de produits laitiers, de volailles et d’œufs s’orientera vers le modèle d’exploitation qui domine aux États-Unis, ou nos secteurs seront complètement déplacés par les importations. En adoptant le projet de loi C-282, nous nous engageons fermement à préserver la solidité de notre système de gestion de l’offre. Ainsi, l’argent consacré aux produits laitiers, aux œufs et à la volaille restera au Canada, où il soutiendra des milliers de familles d’agriculteurs, de travailleurs et de communautés rurales, et les consommateurs continueront à bénéficier d’un accès fiable et abordable à des produits alimentaires de qualité supérieure.

Phil Mount est le vice-président (opérations) du site Union Nationale des Fermiers. Il a grandi dans une ferme laitière de l’est de l’Ontario et élève actuellement des moutons Katahdin mixtes et gère un grill mobile dans le cadre d’une exploitation agricole familiale.