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Les modifications de la législation agricole sont manifestement absurdes

Le Parlement est actuellement saisi du projet de loi C-18 sur la croissance de l’agriculture. Il s’agit d’un projet de loi omnibus qui modifie neuf textes législatifs agricoles distincts. Ces changements renforcent considérablement le contrôle des semences par les entreprises et se traduiront à l’avenir par une augmentation des coûts des semences pour les fermières.

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La loi sur la protection des obtentions végétales (PBRA), adoptée en 1990, confère à l’obtenteur d’une nouvelle variété végétale une forme de droit de propriété intellectuelle similaire à un brevet. L’Office des droits d’obtenteur reçoit entre 300 et 400 demandes par an, dont une centaine en provenance du Canada. Cet office ne joue aucun rôle dans la mise en œuvre d’un droit d’obtenteur une fois qu’il a été accordé. Il incombe au titulaire des droits de poursuivre les infractions par le biais du système judiciaire.

L’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) est une convention internationale dont le Canada est membre et signataire. L’objectif de la convention UPOV est d’uniformiser les critères, les définitions, la législation et les réglementations applicables aux droits d’obtenteur dans les États membres. La loi canadienne actuelle sur la protection des obtentions végétales est basée sur la version 1978 de l’UPOV, qui reconnaît implicitement qu’un fermiere peut utiliser une partie de sa récolte pour ses semences. La version 1991 de l’UPOV accorde des droits étendus et exclusifs aux obtenteurs, de sorte que leur autorisation est nécessaire pour que les fermières puissent utiliser le matériel récolté comme semences. Afin de ratifier la convention UPOV 91, le Canada doit modifier la LPRP de 1990. C’est exactement ce que fait le projet de loi C-18.

À l’heure actuelle, le titulaire d’un droit d’obtenteur n’a que le droit exclusif de produire et de vendre des semences. Les modifications proposées accordent aux titulaires de droits d’obtenteur le droit exclusif de produire et de reproduire, de conditionner, de vendre, d’exporter ou d’importer, et de stocker du matériel de multiplication pendant 20 ans (par « conditionner », on entend nettoyer et/ou traiter les semences, et par « stocker », mettre en sac ou conserver les semences). Il s’agit d’une extension significative de la protection de la propriété intellectuelle et d’un élargissement des voies juridiques permettant aux entreprises de semences de percevoir des redevances. En outre, ces modifications permettraient de percevoir des redevances sur l’ensemble de la culture après la récolte si elles n’avaient pas été perçues auparavant sur les semences. Ces pouvoirs ne s’appliqueraient qu’aux variétés introduites après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Les variétés existantes continueront à être soumises aux règles et conditions de l’UPOV.

La conservation, la réutilisation, la sélection, l’échange et la vente de semences est une pratique traditionnelle et un droit inaliénable des fermières. Le gouvernement propose d’inclure dans cette législation un article sur le « privilège des fermiers ». Ils affirment que cela constitue une exception aux droits exclusifs des titulaires de droits d’obtenteur de reproduire et de conditionner les semences. Ce privilège accordé par le gouvernement permet aux fermières de conserver et de conditionner les semences, mais la possibilité de les stocker est notablement absente. De plus, le projet de loi C-18 prévoit le pouvoir de limiter les dispositions relatives au privilège des fermières à l’avenir par le biais de règlements. Ce qui est proposé est véritablement un privilège vide de sens pour les fermières. Les gros caractères donnent et les petits caractères retirent.

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Le processus d’enregistrement des variétés au Canada est un élément important de cette histoire. Les variétés plus anciennes peuvent être utilisées par les fermières sans paiement de redevances et assurer efficacement la discipline du marché sur les variétés de droits d’obtenteur en tant qu’option à prix réduit pour les fermières. En mai 2013, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a proposé une modification réglementaire qui permettrait aux titulaires d’enregistrements de variétés, qui sont souvent également titulaires de droits d’obtenteur, de retirer des variétés sur demande, sans critères ni raisons et sans mécanisme permettant à une autre entité de prendre la responsabilité d’une variété abandonnée afin que les fermières puissent continuer à l’utiliser.

L’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’UE, dont le gouvernement du Canada a récemment accepté le principe, élargirait les pouvoirs d’exécution des titulaires de droits d’obtenteur. Bien que le texte n’ait pas encore été rendu public, le site a étudié le projet de texte de cet accord qui a fait l’objet d’une fuite. L’AECG permettrait la saisie conservatoire des biens d’un fermier en cas de violation présumée des droits de propriété intellectuelle. En outre, les mêmes pouvoirs de saisie des actifs pourraient également s’appliquer à un tiers, tel qu’un nettoyeur de semences, s’il est soupçonné de contribuer à la violation d’un brevet. Si le projet de loi C-18 est adopté, les entreprises semencières qui cherchent à poursuivre les fermières pour avoir enfreint les règles et les règlements de la loi sur les semences auront accès à ces outils d’application de la loi.

L’objectif principal des mesures C-18 est d’augmenter les revenus des entreprises de semences. Les fermières seront finalement liées à un autre centre de profit de l’agro-industrie, cette fois par l’intermédiaire des semences. Les litiges et le désenregistrement progressif des variétés accessibles au public contribueront à persuader les fermières de remplacer chaque année les semences conservées à la ferme par des semences achetées à l’entreprise.

Ce système privatisé promet aux fermières plus de recherche et de développement sur les variétés, et plus de nouvelles variétés innovantes. Toutefois, les fermières finiront par payer davantage de redevances sans avoir leur mot à dire sur l’utilisation de ces fonds. Probablement un niveau réduit de recherche sur les variétés régionales appropriées et moins d’assurance qu’une variété enregistrée peut être considérée comme performante. Les fermiers peuvent probablement s’attendre à recevoir davantage de courrier de la part de Sue, Grabbitt et Runne LLP Barristers & Solicitors, ainsi que des formulaires supplémentaires à remplir sur les variétés plantées, l’historique des rendements et les ventes annuelles.

Pour de plus amples informations sur l’UPOV 91 et le projet de loi C-18, veuillez consulter le site http://www.nfu.ca/issues/save-our-seed.