Mémoire au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes
Présenté par le Union Nationale des Fermiers, 5 octobre, 2017
L’Union nationale des fermiers (UNF) se réjouit de l’occasion qui lui est donnée de présenter son point de vue sur une politique alimentaire pour le Canada. le UNF est une organisation agricole nationale non partisane et à adhésion directe volontaire, composée de milliers de familles d'agriculteurs de tout le Canada qui produisent une grande variété de produits alimentaires, notamment des céréales, du bétail, des fruits et des légumes. Fondée à 1969, la UNF milite pour des politiques économiques et sociales qui permettront la souveraineté alimentaire au Canada. La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une nourriture saine et culturellement appropriée produite par des méthodes écologiquement rationnelles et durables, ainsi que leur droit de définir leurs propres systèmes alimentaire et agricole. le UNF est un leader en arPréciser les intérêts des fermes familiales canadiennes, analyser la crise du revenu agricole et proposer des solutions abordables, équilibrées et novatrices qui bénéficient à tous les citoyens. UNF les positions politiques sont définies dans le cadre d’un processus démocratique lors de conventions régionales et nationales.
Lors de sa nomination, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire MacAulay s'est vu confier le mandat suivant: «Élaborer une politique alimentaire favorisant des modes de vie sains et des aliments sains en mettant plus d'aliments sains et de haute qualité, produits par des éleveurs et des agriculteurs canadiens, sur la table des familles le pays. »Le processus d’élaboration de la politique alimentaire nationale a ensuite été lancé dans le but d’accroître l’accès à une nourriture abordable; améliorer la santé et la sécurité alimentaire; conserver notre sol, notre eau et notre air; et produire plus de nourriture de haute qualité. Le secrétaire parlementaire d'Agriculture et Agroalimentaire, Jean-Claude Poissant, a déclaré que le gouvernement souhaitait «… élaborer une politique alimentaire qui reflète la richesse et la diversité de notre pays». Le processus de politique alimentaire nationale associe également les ministères de la Santé et de l'Environnement. et développement social.
Le processus d'élaboration de la politique alimentaire est vaste et ses impacts seront profonds. Cependant, ses objectifs sont ouverts à une interprétation large. Selon la manière dont ces objectifs sont compris, une politique alimentaire nationale fructueuse pourrait être réalisée en transformant les systèmes agricoles, de transformation et de distribution des aliments du Canada en un système mettant en œuvre la souveraineté alimentaire. Ce serait:
- concentrer nos efforts sur le service de notre marché national en priorité;
- veiller à ce que les agriculteurs puissent gagner leur vie de manière équitable, pour rester sur leurs terres, passer de la ferme à la génération suivante et contribuer au tissu économique et social de leurs communautés;
- soutenir la prochaine génération de producteurs de produits alimentaires, qu'ils soient issus de la ferme ou non;
- adopter de nouvelles méthodes de production respectueuses du climat en utilisant moins d'intrants à base de combustibles fossiles et en renforçant le carbone des sols et la biodiversité à la ferme;
- maintenir une capacité de traitement à l'échelle appropriée en place dans l'ensemble du pays pour desservir les producteurs et les consommateurs via les marchés locaux et régionaux;
- veiller à ce que des institutions telles que la Commission canadienne des grains et le système de gestion de l'offre continuent de fonctionner dans l'intérêt des producteurs;
- rétablir les guichets uniques pour le blé et le porc et permettre la commercialisation à guichet unique d'autres produits;
- créer un espace permettant aux agriculteurs et aux consommateurs de créer de nouvelles institutions pour protéger les intérêts des agriculteurs, des travailleurs et des consommateurs; et
- commerce équitable avec les autres pays en respectant la diversité des valeurs exprimées par leurs citoyens et le droit de leurs agriculteurs de gagner leur vie en fournissant de la nourriture à leurs propres populations.
Une telle transformation nécessitera que le Canada s'éloigne du programme mondial de «libre-échange» qui ne procure ni prospérité aux agriculteurs ni meilleur niveau de vie aux consommateurs, mais concentre le pouvoir et la richesse des multinationales et réduit l'espace démocratique réservé aux élus. les gouvernements à limiter leur croissance et leur influence.
Notre politique alimentaire nationale inclut les agriculteurs!
Historiquement, le renouvellement de la population agricole a été maintenu grâce au transfert intergénérationnel des connaissances, de la culture, des actifs et des terres de la ferme familiale. Mais au Canada, ce système est en panne. Dans les 1930, un Canadien sur trois était impliqué dans la production alimentaire. Aujourd'hui, les agriculteurs ne représentent que 1.6% de la population canadienne. Le nombre de fermes a diminué et la taille moyenne des fermes a augmenté.
Que ce soit volontairement ou parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix, des générations de jeunes ont quitté les fermes canadiennes et les communautés rurales pour rechercher de meilleures perspectives économiques dans les villes. Avec le dépeuplement rural, le tissu social rural s'est effiloché, car il reste moins de personnes pour répondre aux besoins de la communauté. L'âge moyen des agriculteurs est maintenant 55, le nombre d'agriculteurs âgés de moins de 35 a diminué de 70% depuis 1990. 75% des agriculteurs n'ont pas quelqu'un qui fasse la queue pour prendre le contrôle de leur ferme lorsqu'ils prendront leur retraite. seul 8% a un plan de succession écrit.
La baisse de la rentabilité a conduit à la crise actuelle du transfert intergénérationnel. Il est devenu de plus en plus difficile de gagner sa vie en travaillant dans l'agriculture. Comme le montre Darrin Qualman (voir encadré), cela est dû à l'augmentation considérable de la capacité des entreprises agroalimentaires à extraire de la richesse des agriculteurs. Depuis la fin de la Grande Dépression des 1930, la valeur des produits agricoles, représentée par les revenus agricoles bruts, a augmenté, tandis que la part des agriculteurs de cette valeur (le revenu agricole net gagné du marché) a diminué - même si les rendements ont considérablement augmenté.
«Malgré les tentatives des agriculteurs de maintenir leur pouvoir de marché, au cours de la période de 32 ans de 1985 à 2016 inclusivement, les sociétés agro-industrielles ont capturé 98% des revenus des agriculteurs - 1.32 billion de dollars sur 1.35 billion de dollars. Ces sociétés transnationales dominantes à l'échelle mondiale sont devenues les principaux bénéficiaires de la vaste richesse alimentaire produite dans les fermes canadiennes. Ces entreprises ont extrait presque toute la valeur de la «chaîne de valeur». Ils ont laissé les contribuables canadiens remplir les revenus agricoles - environ 100 milliards de dollars ont été transférés aux agriculteurs depuis 1985. Et ils ont laissé les agriculteurs emprunter le reste. - La dette agricole atteint maintenant un niveau record d'un peu moins de 100 milliards de dollars. Cette extraction massive de richesses par certaines des sociétés les plus puissantes du monde est à l'origine d'une crise des revenus agricoles en cours. » (Qualman http://www.darrinqualman.com/canadian-net-farm-income/ )
Pour qu'une politique alimentaire nationale atteigne les objectifs qu'elle s'est fixés, elle doit limiter le pouvoir des entreprises dans le système alimentaire et soutenir explicitement la prochaine génération de producteurs d'aliments.
Notre recherche montre qu'un nombre croissant de nouveaux venus dans l'agriculture sont issus de milieux non agricoles. Ils lancent des entreprises de production écologique à petite échelle de légumes et de bétail, probablement parce qu'il est prohibitif de démarrer une entreprise agricole qui nécessite d'énormes investissements financiers en terres, en équipements et en infrastructures. La plupart de ces nouveaux agriculteurs pratiquent le marketing direct - vendant directement aux mangeurs de leurs communautés locales. Une politique alimentaire nationale qui fournit le cadre économique et réglementaire dans lequel le marketing direct local peut prospérer garantira que ces nouveaux agriculteurs - et d'autres comme eux - seront en mesure de faire vivre leur famille et des moyens de subsistance décents en produisant de la nourriture pour leurs communautés. .
En soutenant les nouveaux agriculteurs de divers horizons dans tous les secteurs de l'agriculture, nous pouvons créer un système alimentaire plus résilient et plus juste.
Politique alimentaire nationale ou Conseil consultatif sur la croissance économique?
L'élaboration d'une politique alimentaire nationale pourrait résoudre ou aggraver les contradictions au sein du système alimentaire canadien. C'est une occasion de faire évoluer le système alimentaire canadien vers un système qui sert mieux les Canadiens et jette les bases de meilleures relations internationales. Le diable est dans les détails!
Par exemple, nous sommes conscients que le ministre des Finances a créé un Conseil consultatif sur la croissance économique dans le cadre d’une initiative distincte. La ministre Morneau a annoncé la création de ce conseil en décembre 2015: «Le conseil consultatif aura pour mandat de nous aider à réfléchir à la meilleure manière de relever nos défis économiques à long terme». Le conseil est dirigé par Dominic Barton, un dirigeant d'une multinationale. société de conseil aux entreprises qui a passé une grande partie de sa carrière à l’étranger, principalement dans les domaines bancaire, des biens de consommation, de la haute technologie et de l’industrie. Le deuxième rapport du conseil (2017 de février) était axé sur l'agriculture et exprimait une vision incompatible avec les objectifs de la politique alimentaire nationale. Il est résolument axé sur une augmentation massive des exportations de produits agricoles. Les recommandations de Barton laisseraient de côté les agriculteurs, les consommateurs, les travailleurs du secteur alimentaire et le processus démocratique qui définit les règles et réglementations régissant notre système alimentaire. Au lieu de cela, Barton mettrait les multinationales du secteur agroalimentaire aux commandes.
Le plan d'innovation et de développement des compétences du budget fédéral 2017 a pour objectif de porter les exportations agroalimentaires du Canada à au moins X milliards de dollars par an d'ici 75. En 2025, nos exportations ont atteint près de un milliard de 2016. Ainsi, juste au cours des années 56, le gouvernement souhaite exporter X% de plus que ce que nous faisons déjà. Que se passe-t-il dans 7 une fois ces objectifs atteints? Sera-ce jamais assez? Pourquoi le gouvernement continue-t-il d'appliquer des politiques agricoles axées sur les exportations afin de générer des profits énormes pour les sociétés transnationales aux dépens des agriculteurs et des mangeurs canadiens?
Une vision à un œil prédomine - avec la focalisation intense sur les exportations de produits agroalimentaires, les promoteurs du libre-échange semblent ignorer les importations. Nous avons déterminé que, depuis l'entrée en vigueur du premier accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, les importations agroalimentaires du Canada ont augmenté plus rapidement que nos exportations. Parallèlement, la propriété canadienne de nos principaux secteurs de l’agriculture et de la transformation des aliments s’est effondrée et, dans certains domaines, tels que le bœuf et l’orge brassicole, a totalement disparu. Depuis 1988, 1 dans les fermes canadiennes 5 a disparu, les coûts des intrants agricoles ont augmenté et les prix des produits de base rajustés en fonction de l'inflation ont chuté, tandis que la part de l'agriculteur dans les achats effectués par les consommateurs est moins importante.
Les Canadiens consomment plus d'aliments que les agriculteurs canadiens ne cultivent ni n'élevent; aliments non transformés par les travailleurs canadiens. Nous exportons des produits en vrac, tels que le canola, le blé, le soja et les lentilles, à gros volume et à bas prix, et importons des aliments préparés, des produits de boulangerie, du vin, des fruits et des légumes de plus grande valeur. Notre système alimentaire dépend non seulement de plus en plus des exportations, mais il perd de sa diversité et de sa complexité.
Une politique alimentaire fondée sur la souveraineté alimentaire pour le Canada favoriserait des modes de vie sains et des aliments sains et mettrait davantage d'aliments sains et de haute qualité, produits par des éleveurs et des agriculteurs canadiens, sur la table des familles de tout le pays:
- développer les marchés nationaux et les systèmes de distribution localisés avec des chaînes de distribution directes, justes et transparentes;
- préserver le pouvoir des agriculteurs sur les marchés des produits de base en préservant l'intégrité de la gestion de l'offre et des offices de commercialisation contrôlés par les agriculteurs;
- fournir des incitations et un soutien aux pratiques d'intendance des terres qui maintiennent la productivité des terres à long terme;
- mettre en place une stratégie nationale de succession des terres agricoles qui ne repose pas uniquement sur des prêts et des paiements d'intérêts;
- en limitant le transfert de terres agricoles à des sociétés d’investissement et / ou à des utilisations non agricoles;
- réaligner le mandat de Financement agricole Canada visant à soutenir la souveraineté alimentaire et à offrir du financement à une plus grande diversité d'exploitations agricoles;
- créer un programme scolaire de base en alimentation et agriculture sans parrainage d'entreprise;
- créer des programmes de formation et de soutien à l'emploi permettant aux agriculteurs d'employer et de former des travailleurs et des apprentis;
- lien avec des mesures de réduction de la pauvreté, telles que le revenu garanti de base, au profit direct des agriculteurs et
indirectement en permettant aux consommateurs de se payer des aliments sains; et - retirer les accords commerciaux de l'agriculture et des aliments afin que ce soient les Canadiens, et non les entreprises, qui prennent les décisions importantes en matière de relations commerciales, de commercialisation internationale des produits de base et de la réglementation nécessaire pour protéger notre air, notre eau, nos aliments et notre biodiversité
et contrôle des semences.
Le rapport Barton exhorte le Canada à accroître ses exportations de produits alimentaires en augmentant son échelle, en réduisant les réglementations et en automatisant sa production. Si ses conseils sont suivis, nous aurons encore moins d’agriculteurs, plus d’émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture, moins de travailleurs et moins de protection de notre sol, de notre air et de notre eau. L’étendue croissante des installations de transformation signifie des distances plus longues entre la ferme et l’usine - ou une concentration de la production à proximité des installations de transformation - et des chaînes de distribution plus longues pour livrer des produits alimentaires aux consommateurs. L’augmentation de l’échelle augmenterait également la normalisation, supprimant la diversité de notre système alimentaire et le rendant plus fragile face aux inévitables problèmes économiques et climatiques. L'infrastructure même qui serait nécessaire pour augmenter la taille de nos exportations créerait des obstacles pour le développement du système alimentaire plus localisé que souhaitent les Canadiens.
L’aspect le plus déplaisant du rapport Barton est peut-être sa recommandation selon laquelle la transformation du système agroalimentaire canadien devrait être dirigée par des dirigeants d’entreprise. Cela suggère que les universitaires pourraient avoir un rôle à jouer et mentionne à peine l'implication du gouvernement. Il suggère que les agriculteurs peuvent être disciplinés avec des programmes de soutien du revenu qui limitent l'éligibilité en fonction de la productivité de la ferme telle que rapportée via les systèmes Big Data. Les agriculteurs, les consommateurs et les travailleurs ne sont pas censés être des décideurs dans cette vision. Ceci est en fait un modèle pour la règle d'entreprise.
Notre question est la suivante: quel processus - la Politique alimentaire nationale pour le Canada ou le Conseil consultatif sur la croissance économique - sera adopté?